Reliures anciennes : styles, histoires et valeur au fil des siècles

Découvrez l'art et la valeur des reliures anciennes, entre anecdotes, styles célèbres et conseils pour bibliophiles passionnés.

Reliures anciennes : styles, histoires et valeur au fil des siècles

Le marteau du commissaire-priseur retentit dans la salle feutrée. L’objet du désir ? Un livre ancien, reliure de maroquin rouge sang, dorures éblouissantes, ex-libris mystérieux. Le public retient son souffle : la reliure, plus encore que le texte, attire tous les regards. Ce soir-là, à Drouot, un simple traité d’astronomie du XVIIe siècle s’arrache à un prix vertigineux, non pour ses pages, mais pour sa reliure, chef-d’œuvre d’un maître-artisan oublié. Les reliures anciennes fascinent, intriguent, et parfois bouleversent le marché des livres rares.

La reliure ancienne : entre art et nécessité

Pour comprendre l’émotion qui entoure les reliures anciennes, il faut remonter à l’époque où chaque livre était un objet unique. Avant l’imprimerie, les manuscrits étaient copiés à la main, puis confiés à un relieur qui les protégeait – et les magnifiait. La reliure n’était pas un simple habit, mais une armure précieuse, un manifeste social et artistique. Les incunables, premiers livres imprimés entre 1450 et 1500, portent encore l’écho de cette tradition : on y retrouve des plats de bois recouverts de cuir, des fermoirs de métal, des décors à froid ou dorés à l’or fin.

Certains collectionneurs, tel le légendaire Jean Grolier, ne commandaient leurs reliures qu’aux meilleurs artisans de Paris ou de Venise. Sa devise, « Io. Grolierii et amicorum » (« de Jean Grolier et de ses amis »), orne encore quantité de reliures mythiques. Pour ces bibliophiles, l’apparence du livre valait autant que son contenu : chaque volume était une œuvre d’art à part entière.

Styles et matières : panorama des grandes époques

La richesse des reliures anciennes se lit dans la variété de leurs styles. À la Renaissance, le maroquin – ce cuir de chèvre fin et coloré – triomphe, souvent rehaussé de dorures à la feuille d’or. Les reliures dites « à la fanfare », célèbres pour leurs entrelacs complexes, sont aujourd’hui l’un des summums de la bibliophilie. À l’époque baroque, le décor se fait plus exubérant : fleurs, armes, monogrammes, parfois même des pierres précieuses incrustées.

Quelques styles emblématiques

  • Reliure à la dentelle : Bordures délicatement ciselées, très en vogue au XVIIIe siècle.
  • Reliure mosaïquée : Pièces de cuir de différentes couleurs assemblées, véritable prouesse technique.
  • Reliure janséniste : Sobriété extrême, aucun décor sur les plats, réservée à une élite discrète.
  • Reliure romantique : Au XIXe siècle, retour à l’opulence, avec des fers spéciaux et des motifs végétaux.

Le choix du cuir – veau, maroquin, chagrin, basane – influence la valeur. Mais certains livres rares arborent aussi des reliures en soie, en velours, voire en émail ou ivoire, témoignant du goût de leurs propriétaires et de la mode du moment.

Petites histoires et grandes fortunes : anecdotes de collectionneurs

La bibliophilie, ce n’est pas seulement l’accumulation de livres anciens, c’est aussi celle d’histoires humaines. Prenez la baronne de Rothschild, qui fit relier ses manuscrits médiévaux par les meilleurs ouvriers du Second Empire, exigeant que chaque ouvrage soit unique. Ou le libraire parisien Pierre Berès, qui découvrit dans une bibliothèque de province une reliure du maître Le Gascon, célèbre pour ses dorures en pointillé : la pièce, estimée à quelques centaines d’euros, fut adjugée à plus de 100 000.

« Ce qui fait la rareté, c’est la rencontre d’un texte, d’une provenance et d’une reliure exceptionnelle. » – Catalogue de la vente Pierre Bergé, 2015

Mais il n’est pas nécessaire d’être millionnaire pour vibrer devant une reliure ancienne : certains bibliophiles traquent les exemplaires modestes mais bien conservés, ou encore les reliures « populaires » du XVIIIe siècle, témoins de la lecture au quotidien.

Comment évaluer la valeur d’une reliure ancienne ?

La valeur d’un livre ancien ne se limite pas à son texte. La reliure peut, à elle seule, multiplier la cote d’un ouvrage, voire dépasser celle du contenu. Plusieurs critères entrent en jeu :

  1. L’état de conservation : Cuir souple, dorures nettes, absence de restaurations maladroites.
  2. L’authenticité : Reliure d’époque ou postérieure ? Un livre du XVIe siècle dans une reliure du XIXe perd de son attrait… sauf si la reliure elle-même est signée d’un grand atelier.
  3. La provenance : Ex-libris, armoiries, inscriptions manuscrites ajoutent un supplément d’âme et de valeur.
  4. La rareté : Certains styles ou artisans sont aujourd’hui introuvables ou quasi-mythiques.

Astuce : Avant d’acheter un livre rare pour sa reliure, consultez les catalogues de références et n’hésitez pas à demander l’avis d’un expert. Un détail oublié peut faire toute la différence !

Les grandes maisons de ventes, comme Sotheby’s ou Christie’s, publient chaque année des records pour des reliures exceptionnelles. Mais le marché reste vivant, et il n’est pas rare de dénicher, au détour d’une librairie de quartier, un trésor oublié.

Les reliures et l’évolution des goûts bibliophiliques

La mode en matière de reliure a souvent précédé (ou suivi) celle des arts décoratifs. Au siècle des Lumières, la légèreté des décors « rocaille » répondait à la frivolité de la cour ; sous l’Empire, la rigueur néoclassique s’imposait, jusque dans les bibliothèques privées. Aujourd’hui, la tendance est à la redécouverte des artisans anonymes et des reliures « vernaculaires », ces ouvrages du quotidien qui racontent une autre histoire de la lecture.

Certains collectionneurs du XXIe siècle se passionnent pour les reliures de l’époque industrielle, autrefois dédaignées. D’autres cherchent les traces de l’usure, les réparations anciennes, les ex-libris effacés : autant de témoignages de vies passées, qui donnent aux livres anciens leur inimitable patine.

Questions fréquentes

Quelle est la différence entre une reliure d’époque et une reliure moderne ?

Une reliure d’époque est contemporaine du livre : elle a été réalisée peu après la publication. Les reliures modernes sont postérieures, parfois réalisées des siècles après. Les bibliophiles préfèrent souvent les reliures d’époque, mais certaines reliures modernes signées de grands relieurs ont aussi beaucoup de valeur.

Comment reconnaître une reliure précieuse ?

Observez la qualité du cuir, la finesse des dorures, la présence de signatures ou d’armes. Les grands relieurs laissaient parfois leur nom sur le contreplat ou le dos. Les reliures précieuses se distinguent aussi par leur état de conservation et leur rareté.

Les reliures anciennes sont-elles toujours en cuir ?

Non ! Si le cuir domine, on trouve aussi des reliures en soie, velours, parchemin, papier marbré, et même en métaux précieux. Certaines reliures d’apparat, destinées à l’aristocratie ou à l’Église, utilisaient des matériaux exceptionnels.

Où peut-on admirer de belles reliures anciennes ?

De nombreuses bibliothèques patrimoniales (BNF, Arsenal, Mazarine…) exposent des livres rares. Les salons du livre ancien, comme ceux organisés à Paris ou Lyon, sont aussi des lieux privilégiés pour découvrir – et parfois acquérir – de magnifiques reliures.

Conclusion : la reliure, âme secrète du livre ancien

Dans l’univers de la bibliophilie, la reliure ancienne est bien plus qu’un accessoire : elle est la mémoire, la signature, parfois la raison d’être du livre. Qu’elle brille sous les ors du soleil versaillais ou qu’elle s’efface dans la pénombre d’une bibliothèque de campagne, la reliure raconte mille vies, mille histoires. Pour prolonger cette exploration et découvrir d’autres trésors, je vous invite à parcourir les sélections de livres rares et de reliures anciennes proposées sur Dodecade, un site incontournable pour tous les amoureux du livre ancien.

Car, au fond, chaque reliure ancienne est une promesse : celle d’un voyage dans le temps, d’une rencontre avec l’inattendu, d’un émerveillement toujours renouvelé.